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rect, élégant, toujours clair de M. Turgot, la discussion soignée, l’exactitude qui ne néglige aucun détail et qui les enchaîne si parfaitement selon l’ordre naturel des idées, et comparant tant de mérites réunis à la sécheresse des notices que j’ai pu recueillir sur les trois lettres qui sont perdues, n’évaluera que trop aisément la prodigieuse distance que n’a pu franchir, même en approchant de ce grand homme et dans son intimité, son élève et son ami, et j’oserai dire avec orgueil, comme de la plus haute gloire de ma vie, un de ses amis les plus chers.


CINQUIÈME LETTRE.

À Saint-Angel, le 14 novembre 1770.

Monsieur, en finissant la lettre que j’ai eu l’honneur de vous écrire hier de Bort sur la liberté du commerce des grains, je vous en ai annoncé une cinquième, destinée à discuter un raisonnement que vous me fîtes à Compiègne et dont vous me parûtes alors vivement frappé.

« Trois sortes de personnes, disiez-vous, sont intéressées au choix d’un système sur la police des grains, les propriétaires des biens fonds, les cultivateurs et les consommateurs.

Je conviens que le système de la liberté est infiniment favorable aux propriétaires.

À l’égard des cultivateurs, l’avantage qu’ils y trouvent est purement passager, puisque à l’expiration du bail, les propriétaires savent bien se l’approprier tout entier par l’augmentation du fermage.

Enfin les consommateurs souffrent évidemment le plus grand préjudice de la liberté qui porte les prix à un taux qui n’a plus aucune proportion avec leurs moyens de subsister et qui augmente toutes les dépenses. » Vous m’ajoutâtes même à cette occasion « qu’il en avait coûté au roi, dans ces dernières années, plusieurs millions pour la plus-value du pain qu’il avait été nécessaire d’accorder aux troupes. »

Vous concluez de là que « le système de la liberté n’était favorable qu’au plus petit nombre des citoyens, indifférent aux cultivateurs