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ront excéder trois livres huit sous, laissant à la propriété treize livres douze sous.

Il est aisé de remarquer aussi que dans les provinces de bonne culture ordinaire de blé, ces données ne s’éloignent pas de la vérité.

Il est bon d’observer que l’année moyenne doit nourrir la nation, avec un léger excédant que la négligence absorbe presque toujours, c’est-à-dire que la récolte ordinaire, soigneusement administrée, pourrait nourrir le peuple pendant trois cent quatre-vingts jours.

L’année faible ne donne que la subsistance de trois cent quatre jours. Elle laisse un déficit de deux mois, qui est ordinairement couvert par ce qui est resté de grain des années précédentes dans les granges et greniers des cultivateurs et des petits propriétaires : magasins heureusement presque ignorés, qui pourraient être plus considérables, et qui seraient puissamment aidés par les magasins du commerce, si ceux-ci étaient assurés de l’appui d’une énergique protection qui les déclarerait et les rendrait inviolables. Car la bonne année pourrait assurer la subsistance de quatre cent cinquante-six jours ou de trois mois de plus que l’année n’a réellement. Mais la négligence augmente avec l’abondance ; elle est même, en temps de prohibition, assez bien motivée par la peur : nul ne veut paraître avoir un magasin ; on prodigue le grain au bétail ; c’est une manière d’en tirer partie, et de là vient que le commerce qui pourrait tenir la valeur d’un mois de subsistance en réserve n’ayant pas

    des biens taillables. Il y avait en outre la dîme, les aides, la gabelle, le contrôle des actes, les octrois, les péages et les douanes. Mais quant à l’imposition territoriale, on regardait comme de principe qu’elle prit le tiers du revenu. C’était sur ce pied que M. Turgot avait calculé les avantages que trouverait pour ses finances le gouvernement à protéger la liberté du commerce des grains.

    L’Assemblée Constituante a posé pour principe que la contribution foncière n’excédât pas le cinquième du revenu, et quelques variations que les lois financières aient éprouvées depuis, ce principe n’est désavoué ni par le gouvernement, qui ne désire pas sortir de cette limite, et montre plutôt un dessein contraire, ni par la nation, qui ne la croit pas exagérée, et demande seulement qu’elle ne soit pas intervertie dans la répartition ; ce qui est aussi conforme aux intentions du gouvernement.

    Mais le territoire, la population et la culture ont fait des progrès à raison desquels le cinquième doit aujourd’hui procurer un revenu aussi fort que le faisait alors le tiers. C’est ce qui nous a déterminés à ne calculer le bénéfice des finances dans leur participation aux bons effets de la liberté du commerce que sur le pied du cinquième. Le résultat en sommes revient à celui que trouvait M. Turgot, et d’après les données qui avaient lieu de son temps. (Note de Dupont de Nemours.)