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assez de capitaux, et y joignant autant de crédit, puisse fournir un mois de subsistance à un grand peuple. Le gouvernement ne pourrait jamais lever sur la nation assez d’impôts pour nourrir ainsi la nation.

C’est donc au commerce qu’il faut avoir recours quand l’abondance habituelle des récoltes, résultantes d’une culture bonne et encouragée, et la spéculation des magasins destinés à conserver le superflu des récoltes abondantes, ne suffisent pas pour empêcher les grains de renchérir dans un pays ou dans un canton. Il n’y a pour lors moyen d’y remédier que celui d’y apporter des grains d’ailleurs ; il faut par conséquent que cette secourable opération soit libre et profitable aux négociants, qui sont toujours plus promptement avertis que personne des besoins, et qui ont plus de correspondances et de facilités pour y pourvoir.

Mais nul négociant ne voudra s’en mêler, s’il peut craindre la taxation des prix, l’interception des destinations, la concurrence d’un gouvernement qui annoncerait le dessein de vendre à perte, les vexations des sous-administrateurs, les violences populaires.



EXTRAIT DE LA QUATRIÈME LETTRE.

Commencée à Égletons, le 11 novembre,
finie à Bort, le 13 novembre 1770.

M. Turgot consacra cette lettre à développer sous toutes leurs faces les conséquences d’un calcul ingénieux, quoique simple, que M. Quesnay avait placé dès l’année 1756 dans l’Encyclopédie, à l’article Grains.

Ce calcul a pour objet de faire voir la différence qui, lorsque le prix des grains est très-variable, existe au désavantage des propriétaires de terres à blé et de l’État, entre le prix moyen des récoltes et le prix moyen des consommations.

Que le prix des grains soit et doive être très-variable quand les magasins ne sont pas encouragés, et quand l’exportation est habituellement défendue ou au moins interdite en cas de cherté, c’est ce que le bon sens indique, et ce que prouve l’expérience de tous les temps.