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l’exemple sous les yeux, dans une lettre signée D. C…, laquelle est conçue en ces termes :

« En 1763, le 20 décembre, vous m’avez pris 60 livres sur un billet de 1,000 livres à l’ordre de M. B…, endossé par M. C… père. Je vous demande 30 livres de restitution et 18 livres d’intérêt. Si vous ne me les renvoyez, je pars immédiatement après mon déjeuner pour Ruelle, pour chercher le certificat, et, à mon retour, je vous dénonce. Puisque vous m’avez fait la grâce de ne pas vous en rapporter à moi, comptez sur ma parole d’honnête homme. »

On a redemandé à des enfants de prétendues restitutions, pour des affaires traitées avec leurs pères, décédés depuis plusieurs années, et cela sans produire aucun acte, aucun registre, ni aucune autre preuve que la simple menace de dénoncer. Ce trait prouve l’espèce de vertige que le succès des premiers dénonciateurs a imprimé dans les esprits.

Un collecteur, dont le père avait autrefois emprunté de l’argent d’un receveur des tailles, se trouvant arréragé de plus de 2,000 livres sur son recouvrement, a bien eu l’audace de lui écrire qu’il prétendait compenser cette somme avec les escomptes que ce receveur avait pris autrefois de lui ou de son père.

L’avidité et l’acharnement des dénonciateurs d’un côté, de l’autre, la terreur de tous les négociants prêteurs d’argent, n’ont pu qu’être infiniment augmentées, par la facilité avec laquelle les officiers de justice d’Angoulême ont paru se prêter à ces accusations d’usure.

XI. — Influences funestes de cette fermentation sur le crédit et le commerce d’Angoulême.

L’effet des poursuites faites sur ces accusations a dû être et a été le discrédit le plus absolu dans tout le commerce d’Angoulême. L’autorisation donnée à la mauvaise foi des emprunteurs a fermé toutes les bourses des prêteurs, dont la fortune se trouve d’ailleurs ébranlée par cette secousse. Aucun engagement échu ne se renouvelle ; toutes les entreprises sont arrêtées ; les fabricants sont exposés à manquer, par l’impossibilité de trouver aucun crédit pour attendre la rentrée de leurs fonds. J’ai déjà fait mention, au commencement de ce Mémoire, de la grande quantité de lettres de change qui ont été protestées depuis ces troubles. — J’ai appris que les marchands qui vendent les étoffes destinées à la consommation de la ville, s’é-