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MÉMOIRE
SUR
LES PRÊTS D’ARGENT[1].


I. — Occasion du présent Mémoire.

Il y a quelques mois qu’une dénonciation faite au sénéchal d’Angoulême contre un particulier qu’on prétendait avoir exigé des intérêts usuraires dans ses négociations d’argent, a excité une fermentation très-vive parmi les négociants de cette ville. — Cette fermentation n’a cessé d’augmenter depuis par la suite qui a été donnée à la procédure, par les nouvelles dénonciations qui ont suivi la première, et par les menaces multipliées de tous les côtés contre tous les prêteurs d’argent. — Ces mouvements ont produit l’effet qu’on devait naturellement en attendre : l’inquiétude et le discrédit parmi les négociants, le défaut absolu d’argent sur la place, l’interruption entière de toutes les spéculations du commerce, le décri de la place d’Angoulême au dehors, la suspension des payements, et le protêt d’une foule de lettres de change. Ces conséquences paraissent mériter l’attention la plus sérieuse de la part du gouvernement ; et il semble d’autant plus important d’arrêter le mal dans son principe, que si l’espèce de jurisprudence qu’on voudrait établir à Angoulême devenait générale, il n’y aurait aucune place de commerce qui ne fût exposée aux mêmes révolutions, et que le crédit, déjà trop ébranlé par les banqueroutes multipliées, serait entièrement anéanti partout.

  1. Il arriva en 1769, à Angoulême, que des débiteurs infidèles s’avisèrent de faire un procès criminel à leurs créanciers. M. Turgot regarda cette tentative comme très-immorale, et fut effrayé des conséquences qui pourraient en résulter pour le commerce de la province et de l’État.

    Il crut que la cause, tenant à la haute législation, devait être évoquée au Conseil d’État, et motiva sa demande par le Mémoire suivant, qui détermina en effet l’évocation.

    Ce Mémoire a déjà été imprimé deux fois. (Dupont de Nemours.)