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l’industrie du prêteur d’argent n’aurait pas pour la société les dangers qu’on a prétendu lui trouver, et qu’elle a en effet lorsque la loi qui la châtie lui donne d’autre part, sur sa victime, une puissance qui va jusqu’à l’emprisonnement.

Il est assez digne de remarque que les anciennes lois contre le prêt à intérêt le permettent, toutefois à la condition d’aliénation du capital. On dirait que le législateur avait pris à tâche d’empêcher la formation des richesses. — Le prêt en viager, qui, en vertu de cette loi, était alors permis, est en effet la plus mauvaise manière d’accroître la richesse. Celui qui prête à fonds perdu ne le fait guère que dans le but de dépenser improductivement, et l’emprunteur ne saurait tirer de l’emploi de la somme empruntée un intérêt assez élevé pour payer, en dehors de son propre profit, la redevance convenue. — Il faut donc qu’il rende à son prêteur non plus seulement l’excédant de richesse produite par l’usage du capital emprunté, mais en substance une portion de ce capital même. Autant eût valu, pour la société, que la somme complète restât entre les mains de son propriétaire pour être par lui dévorée sans retour.

Est-il surprenant que, régi par de telles lois, le monde ait si peu amassé encore ?

Dans ce Mémoire, Turgot a répété ce qu’il a dit dans le paragraphe LXXV de la Formation des richesses. Nous n’avons pas cru devoir retrancher ce paragraphe, bien que l’auteur lui-même ait signalé ce double emploi.

Dans une lettre inédite que nous plaçons à la fin des œuvres de Turgot, cet illustre écrivain s’exprime ainsi :

« L’homme de lettres qui a le dessein de traduire la Formation des richesses me fait plus d’honneur que je n’en mérite. Mais, s’il veut prendre cette peine, je ne puis qu’en être très-flatté. En ce cas, je le prierai de faire, dans le corps de l’ouvrage, un retranchement nécessaire, et qui forme double emploi avec mon Mémoire sur l’usure. — J’avais prié M, Dupont de le retrancher, mais il n’a pas voulu perdre trois pages d’impression. Ce qu’il faut retrancher, c’est le paragraphe LXXV, page 117, qu’il faut retrancher en entier, en changeant les chiffres des paragraphes suivants. Cette discussion théologique interrompt le fil des idées : elle était bonne pour ceux à qui je l’avais adressée. » (Voir la lettre de Turgot, à la fin du deuxième volume.)

Hte Dussard.