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Nous n’avons plus qu’à étendre nos suppositions, à multiplier le nombre des échangeurs et des objets d’échange, pour voir naître le commerce et pour compléter la suite des notions attachées au mot valoir.

Il nous suffira même pour ce dernier objet de multiplier les hommes, en ne considérant toujours que deux seuls objets d’échange.

Si nous supposons quatre hommes au lieu de deux, savoir, deux possesseurs de bois et deux possesseurs de maïs, on peut d’abord imaginer que deux échangeurs se rencontrent d’un côté, et deux de l’autre, sans communication entre les quatre ; alors chaque échange se fera à part, comme si les deux contractants étaient seuls au monde. Mais, par cela même que les deux échanges se font à part, il n’y a aucune raison pour qu’ils se fassent aux mêmes conditions. Dans chaque échange pris séparément, la valeur appréciative des deux objets échangés est égale de part et d’autre ; mais il ne faut pas perdre de vue que cette valeur appréciative n’est autre chose que le résultat moyen des deux valeurs estimatives attachées aux objets d’échange par les deux contractants. Or, il est très-possible que ce résultat moyen soit absolument différent dans les deux échanges convenus à part, parce que les valeurs estimatives dépendent de la façon dont chacun considère les objets de ses besoins, et de l’ordre d’utilité qu’il leur assigne parmi ses autres besoins ; elles sont différentes pour chaque individu. Dès lors, si l’on ne considère que deux individus d’un côté et deux individus de l’autre, le résultat moyen pourra être très-différent. Il est très-possible que les contractants d’un des échanges soient moins sensibles au froid que les contractants de l’autre ; cette circonstance suffit pour leur faire attacher moins d’estime au bois, et plus au maïs. Ainsi, tandis que dans un des deux échanges quatre sacs de maïs et cinq brasses de bois ont une valeur appréciative égale, pour les deux autres contractants, cinq brasses de bois n’équivaudront qu’à deux sacs de maïs, ce qui n’empêchera pas que, dans chaque contrat, la valeur des deux objets ne soit exactement égale pour les deux contractants, puisqu’on donne l’une pour l’autre.

Rapprochons maintenant nos quatre hommes, mettons-les à portée de communiquer, de s’instruire des conditions offertes par chacun des propriétaires, soit du bois, soit du maïs. Dès lors, celui qui