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l’un pour acquérir de l’autre, puisque le résultat de cette comparaison pouvait être inégal dans l’esprit des deux contractants : cette première valeur, à laquelle nous avons donné le nom de valeur estimative, s’établit par la comparaison que chacun fait de son côté entre les deux intérêts qui se combattent chez lui ; elle n’a d’existence que dans l’intérêt de chacun d’eux pris séparément. La valeur échangeable, au contraire, est adoptée par les deux contractants, qui en reconnaissent l’égalité et qui en font la condition de l’échange. Dans la fixation de la valeur estimative, chaque homme, pris à part, n’a comparé que deux intérêts, qu’il attache à l’objet qu’il a et à celui qu’il désire avoir. Dans la fixation de la valeur échangeable, il y a deux hommes qui comparent et quatre intérêts comparés ; mais les deux intérêts particuliers de chacun des deux contractants ont d’abord été comparés entre eux à part, et ce sont les deux résultats qui sont ensuite comparés ensemble, ou plutôt débattus par les deux contractants, pour former une valeur estimative moyenne qui devient précisément la valeur échangeable, à laquelle nous croyons devoir donner le nom de valeur appréciative, parce qu’elle détermine le prix ou la condition de l’échange.

On voit par ce que nous venons de dire que la valeur appréciative, cette valeur qui est égale entre les deux objets échangés, est essentiellement de la même nature que la valeur estimative ; elle n’en diffère que parce qu’elle est une valeur estimative moyenne. Nous avons vu plus haut que pour chacun des contractants la valeur estimative de la chose reçue est plus forte que celle de la chose cédée, et que cette différence est précisément égale de chaque côté ; en prenant la moitié de cette différence pour l’ôter à la valeur la plus forte et la rendre à la plus faible, on les rendra égales. Nous avons vu que cette égalité parfaite est précisément le caractère de la valeur appréciative de l’échange. Cette valeur appréciative n’est donc évidemment autre chose que la valeur estimative moyenne entre celle que les deux contractants attachent à chaque objet.

Nous avons prouvé que la valeur estimative d’un objet, pour l’homme isolé, n’est autre chose que le rapport entre la portion de ses facultés qu’un homme peut consacrer à la recherche de cet objet et la totalité de ses facultés ; donc la valeur appréciative dans l’échange entre deux hommes est le rapport entre la somme des portions de leurs facultés qu’ils seraient disposés à consacrer à la recher-