Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/200

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


VALEURS ET MONNAIES.



OBSERVATIONS DE L’ÉDITEUR.

Dans la science de la production et de la répartition des richesses, la signification du mot valeur doit avoir une grande importance. Comme tous les mots empruntés au langage ordinaire, il a été interprété par les divers auteurs ; chacun a voulu dire à l’avance ce qu’il entendait par ce mot, et avant de s’engager dans la lecture de leurs ouvrages, il convient de se rendre un compte exact de la définition qu’ils ont adoptée.

Les définitions qui ont été données de ce mot ne sont pas de nature cependant à faire varier avec elles les éléments de la science, puisque nous voyons les écrivains les plus éminents, malgré leurs différences à cet égard, arriver aux mêmes conclusions. Tous du moins ont dans la pratique reconnu que la valeur n’est en définitive que le rapport des choses utiles entre elles, et renoncé en conséquence à la chimérique tentative d’établir d’une manière invariable la valeur des choses.

Adam Smith, bien qu’il ait admis une valeur indépendante de tout échange, ne s’appuie guère dans ses écrits que sur l’idée de la valeur échangeable, c’est-à-dire la valeur des choses dont le besoin se fait sentir à d’autres qu’à leur détenteur actuel.

J.-B. Say, qui a consacré l’un de ses chapitres les plus clairs et les mieux déduits à la définition de la valeur, n’a pas complètement suivi à cet égard les idées de Smith. Plus pratique encore, il déclare que lors même que ce mot est employé seul, il convient de le supposer suivi du mot échangeable. Say dit encore, il est vrai, que le fondement de la valeur est l’utilité, ce qui impliquerait l’application de la valeur à des choses non essentiellement échangeables ou plutôt dont le besoin pourrait ne pas se faire sentir à d’autres. Ce serait la valeur en usage de Smith ; mais Say a soin de prémunir le lecteur contre cette induction en ajoutant que la quantité de choses évaluables qu’on offre pour acheter une autre chose est l’indication et la mesure de la valeur : « La richesse, ajoute-t-il, se compose de cette valeur des choses qu’on possède. » En sorte que pour Say il n’y a pas de richesse là où les choses ne sont pas échangeables.