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qui perçoit la dîme, le souverain qui perçoit l’impôt ; si, dis-je, on additionnait toutes ces sommes, et si on les multipliait par le taux auquel se vendent les terres, on aurait la somme des richesses d’une nation en biens-fonds.

Pour avoir la totalité des richesses d’une nation, il faut y joindre les richesses mobiliaires, savoir : 1o  la somme des capitaux employés à toutes les entreprises de culture, d’industrie et de commerce, et qui n’en doivent jamais sortir ; 2o  toutes les avances en tout genre d’entreprise devant sans cesse rentrer aux entrepreneurs, pour être sans cesse reversées dans l’entreprise ; 3o  tous les meubles, vêtements, bijoux, etc., à l’usage des particuliers. — Ce serait une erreur bien grossière de confondre la masse immense de ces richesses mobiliaires avec la masse d’argent qui existe dans un État ; celle-ci n’est qu’un très-petit objet en comparaison. Il suffit, pour s’en convaincre, de se représenter l’immense quantité de bestiaux, d’outils, de semences qui constituent les avances de l’agriculture ; de matières, d’instruments, de meubles de toute espèce qui font le fonds des manufacturiers, les magasins de tous les marchands et de tous les commerçants ; et l’on sentira que, dans la totalité des richesses, soit foncières, soit mobiliaires, d’une nation, l’argent en nature ne fait qu’une très-petite partie. Mais toutes ces richesses et l’argent étant continuellement échangeables, toutes représentent l’argent, et l’argent les représente toutes.

§ XCI. — La somme des capitaux prêtés ne pourrait y être comprise sans double emploi.

Il ne faut pas comprendre dans le calcul des richesses de la nation la somme des capitaux prêtés ; car ces capitaux n’ont pu être prêtés qu’à des propriétaires de terres, ou à des entrepreneurs pour les faire valoir dans leurs entreprises, puisqu’il n’y a que ces deux sortes de personnes qui puissent répondre du capital et payer l’intérêt : un argent prêté à des gens qui n’auraient ni fonds, ni industrie, serait un capital éteint, et non un capital employé. Si le propriétaire d’une terre de quatre cent mille francs en emprunte cent, son bien est chargé d’une rente qui diminue d’autant son revenu ; et s’il vendait son bien, sur les quatre cent mille francs qu’il recevrait, il en appartiendrait cent au prêteur. Le capital du prêteur formerait donc, dans le calcul des richesses existantes, un double emploi avec une partie égale de la valeur de la terre. La