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produits ne rapporteront pas cinq pour cent, outre le remplacement des avances et la récompense des soins du cultivateur, restera en friche ; toute fabrique, tout commerce qui ne rapporteront pas cinq pour cent, outre le salaire des peines et les risques de l’entrepreneur, n’existeront pas.

S’il y a une nation voisine chez laquelle l’intérêt de l’argent ne soit qu’à deux pour cent, non-seulement elle fera tous les commerces dont la nation où l’intérêt est à cinq pour cent se trouve exclue, mais encore ses fabricants et ses négociants, pouvant se contenter d’un profit moindre, établiront leurs denrées à plus bas prix dans tous les marchés, et s’attireront le commerce presque exclusif de toutes les choses dont des circonstances particulières ou la trop grande cherté des frais de voitures ne conserveront pas le commerce à la nation où l’argent vaut cinq pour cent[1].

§ LXXXIX. — Influence du taux de l’intérêt de l’argent sur toutes les entreprises lucratives.

On peut regarder le prix de l’intérêt comme une espèce de niveau au-dessous duquel tout travail, toute culture, toute industrie, tout commerce cessent. C’est comme une mer répandue sur une vaste contrée : les sommets des montagnes s’élèvent au-dessus des eaux, et forment des îles fertiles et cultivées. Si cette mer vient à s’écouler, à mesure qu’elle descend, les terrains en pente, puis les plaines et les vallons, paraissent et se couvrent de productions de toute espèce. Il suffit que l’eau monte ou s’abaisse d’un pied pour inonder ou pour rendre à la culture des plages immenses. — C’est l’abondance des capitaux qui anime toutes les entreprises, et le bas intérêt de l’argent est tout à la fois l’effet et l’indice de l’abondance des capitaux.

§ XC. — La richesse totale d’une nation est composée 1o du revenu net de tous les biens-fonds multiplié par le taux du prix des terres ; 2o de la somme de toutes les richesses mobiliaires existantes dans la nation.

Les biens fonds équivalent à un capital égal à leur revenu annuel multiplié par le denier courant auquel les terres se vendent. Si donc on additionnait le revenu de toutes les terres, c’est-à-dire le revenu net qu’elles rendent aux propriétaires, et à tous ceux qui en partagent la propriété, comme le seigneur qui perçoit la rente, le curé

  1. Toutes ces vérités sont aujourd’hui démontrées par la position respective où se trouvent placées la France et l’Angleterre. (Hte D.)