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qu’ils tireraient de leur argent en l’employant de toute autre manière, on ne trouve point de fermiers qui veuillent louer les terres.

Les propriétaires sont forcés de les cultiver par des colons ou métayers hors d’état de faire aucunes avances et de bien cultiver.

Les propriétaire alors fait lui-même des avances médiocres qui lui produisent un très-médiocre revenu : si la terre appartient à un propriétaire pauvre ou négligent, à une veuve, à un mineur, elle reste inculte.

Tel est le vrai principe de la différence que j’ai déjà remarquée entre les provinces où la terre est cultivée par des fermiers riches, comme la Normandie et l’Île de France, et celles où elle n’est cultivée que par de pauvres métayers, comme le Limousin, l’Angoumois, le Bourbonnais et beaucoup d’autres.

§ LXVI. — Subdivision de la classe des cultivateurs en entrepreneurs ou fermiers, et simples salariés, valets ou journaliers.

Il suit de là que la classe des cultivateurs se partage comme celle des fabricants en deux ordres d’hommes, celui des entrepreneurs ou capitalistes qui font toutes les avances, et celui des simples ouvriers salariés. On voit encore que ce sont les capitaux seuls qui forment et soutiennent les grandes entreprises d’agriculture ; qui donnent aux terres une valeur locative constante, si j’ose ainsi parler ; qui assurent aux propriétaires un revenu toujours égal et le plus grand qu’il soit possible.

§ LXVII. — Quatrième emploi des capitaux en avances pour des entreprises de commerce. Nécessité de l’interposition des marchands proprement dits entre les producteurs de la denrée et les consommateurs.

Les entrepreneurs, soit de culture, soit de manufactures, ne retirent leurs avances et leurs profits que par la vente des fruits de la terre ou des ouvrages fabriqués.

Ce sont toujours les besoins et les facultés du consommateur qui mettent le prix à la vente ; mais le consommateur n’a pas toujours besoin de la chose fabriquée ou produite au moment de la récolte ou de l’achèvement des ouvrages.

Cependant les entrepreneurs ont besoin que leurs fonds leur rentrent immédiatement et régulièrement pour les reverser dans leurs entreprises. Il faut que les labours et la semence succèdent immédiatement à la récolte. Il faut occuper sans cesse les ouvriers d’une manufacture, commencer de nouveaux ouvrages à mesure que