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au delà de la rétribution due aux cultivateurs. Le propriétaire est forcé d’abandonner celle-ci, à peine de tout perdre.

Le cultivateur, tout borné qu’il est à la rétribution de son travail, conserve donc cette primauté naturelle et physique qui le rend le premier moteur de toute la machine de la société, qui fait dépendre de son travail seul et sa subsistance, et la richesse du propriétaire, et le salaire de tous les autres travaux.

L’artisan, au contraire, reçoit son salaire soit du propriétaire, soit du cultivateur, et ne leur donne, pour l’échange de son travail, que l’équivalent de ce salaire, rien de plus.

Ainsi, quoique le cultivateur et l’artisan ne gagnent l’un et l’autre que la rétribution de leur travail, le cultivateur fait naître, au delà de cette rétribution, le revenu du propriétaire ; et l’artisan ne fait naître aucun revenu, ni pour lui, ni pour d’autres[1].

§ XVIII. — Cette différence autorise leur distinction en classe productrice
et classe stérile.

On peut donc distinguer les deux classes non disponibles en classe productrice qui est celle des cultivateurs, et classe stérile qui comprend tous les autres membres stipendiés de la société.

§ XIX. — Comment les propriétaires peuvent tirer le revenu de leurs terres[2].

Les propriétaires qui ne travaillent pas eux-mêmes leurs terres peuvent s’y prendre de différentes manières pour les faire cultiver, ou faire différents arrangements avec ceux qui les cultivent.

§ XX. — Première manière : culture par des hommes salariés.

Ils peuvent premièrement payer des hommes à la journée, ou à l’année, pour labourer leur champ, et se réserver la totalité des

  1. Ici encore se trouve la contradiction que nous avons déjà signalée plusieurs fois. Il est inutile d’insister plus longtemps sur cette erreur de fait. (Hte D.)
  2. Cette leçon sur la manière dont les propriétaires peuvent tirer le revenu de leurs terres est sans reproche. Elle prouve une intelligence parfaite de l’économie rurale, et a été consultée et analysée avec fruit par tous les écrivains. — Ce que Turgot dit de la culture par les esclaves pourrait être reproduit textuellement aujourd’hui, et se trouver à propos. Il est affligeant que l’intérêt sordide des hommes ait pu leur faire méconnaître des vérités aussi clairement énoncées.

    Ici, Turgot l’annonce en termes positifs, les esclaves n’ont rien à espérer que leur subsistance. Or, comme la terre produit un excédant, il n’est pas surprenant que les maîtres du sol aient autrefois donné tant d’encouragements à l’accroissement de la population. Les hommes étaient pour les maîtres des machines à produire ; les multiplier, c’était multiplier les richesses au profit des maîtres ; aussi entendait-on