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mais dont l’une par son travail produit ou plutôt tire de la terre des richesses continuellement renaissantes qui fournissent à toute la société la subsistance et la matière de tous les besoins ; l’autre, occupée à donner aux matières produites les préparations et les formes qui les rendent propres à l’usage des hommes, vend à la première son travail, et en reçoit en échange la subsistance. La première peut s’appeler classe productrice, et la seconde classe stipendiée.

§ IX. — Dans les premiers temps le propriétaire n’a pas dû être distingué du cultivateur.

Jusqu’ici nous n’avons point encore distingué le laboureur du propriétaire des terres, et dans la première origine ils n’étaient point en effet distingués. C’est par le travail de ceux qui ont les premiers labouré des champs et qui les ont enclos pour s’en assurer la récolte que toutes les terres ont cessé d’être communes à tous et que les propriétés foncières se sont établies. Jusqu’à ce que les sociétés aient été affermies et que la force publique, ou la loi devenue supérieure à la force particulière, ait pu garantir à chacun la possession tranquille de sa propriété contre toute invasion étrangère, on ne pouvait conserver la propriété d’un champ que comme on l’avait acquise et en continuant de le cultiver. Il n’aurait point été sûr de faire labourer son champ par un autre, qui, ayant pris toute la peine, n’aurait pas facilement compris que toute la récolte ne lui appartenait pas. D’ailleurs, dans ce premier temps, tout homme laborieux, trouvant autant de terre qu’il en voulait, ne pouvait être tenté de labourer pour autrui ; il fallait que tout propriétaire cultivât son champ, ou l’abandonnât entièrement.

§ X. — Progrès de la société ; toutes les terres ont un maître.

La terre se peuplait, et on la défrichait de plus en plus. Les meilleures terres se trouvèrent à la longue toutes occupées ; il ne resta plus pour les derniers venus que des terrains stériles, rebutés par les premiers. Mais à la fin toute terre trouva son maître, et ceux qui ne purent avoir des propriétés n’eurent d’abord d’autre ressource que celle d’échanger le travail de leurs bras dans les emplois de la classe stipendiée contre le superflu des denrées du propriétaire cultivateur.

    l’admet pas. Est-il donc bien logique de classer le boulanger, le meunier parmi les travailleurs qui produisent, et le cuisinier parmi les travailleurs qui ne produisent pas ? (Hte D.)