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ses besoins personnels est l’unique fonds des salaires que reçoivent tous les autres membres de la société en échange de leur travail. Ceux-ci, en se servant du prix, de cet échange pour acheter à leur tour les denrées du laboureur, ne lui rendent exactement que ce qu’ils en ont reçu. C’est une différence essentielle entre ces deux genres de travaux, sur laquelle il est nécessaire d’appuyer pour en bien sentir l’évidence avant de se livrer aux conséquences sans nombre qui en découlent.

§ VI. — Le salaire de l’ouvrier est borné, par la concurrence entre les ouvriers, à sa subsistance. Il ne gagne que sa vie[1].

Le simple ouvrier, qui n’a que ses bras et son industrie, n’a rien qu’autant qu’il parvient à vendre à d’autres sa peine. Il la vend plus ou moins cher ; mais ce prix plus ou moins haut ne dépend pas de lui seul : il résulte de l’accord qu’il fait avec celui qui paye son travail. Celui-ci le paye le moins cher qu’il peut ; comme il a le choix entre un grand nombre d’ouvriers, il préfère celui qui travaille au meilleur marché. Les ouvriers sont donc obligés de baisser le prix à l’envi les uns des autres. En tout genre de travail il doit arriver et il arrive en effet que le salaire de l’ouvrier se borne à ce qui lui est nécessaire pour lui procurer sa subsistance.

§ VII. — Le laboureur est le seul dont le travail produise au delà du salaire du travail.
Il est donc l’unique source de toute richesse[2].

La position du laboureur est bien différente. La terre, indépendamment de tout autre homme et de toute convention, lui paye

  1. Turgot, quelques pages plus loin, sépare le cultivateur du propriétaire, et finit par déclarer que le premier, pas plus que l’ouvrier manufacturier, ne perçoit autre chose que le salaire nécessaire à sa subsistance.

    Ce n’est pas dans une note qu’il est possible de développer la théorie du salaire. Il suffira de dire que ce que Turgot semble annoncer dans cette sixième proposition comme une vérité économique, n’a nullement ce caractère.

    Le salaire, c’est-à-dire la rétribution donnée pour le travail utile, devient d’autant plus abondant, que les capitaux sont aussi plus abondants. Et par capital ce n’est pas l’argent qu’il faut entendre, c’est l’accumulation de tous les excédants de production, ou leurs résultats, c’est le véritable produit net tel qu’il doit être aujourd’hui compris. Les machines sont aujourd’hui une part importante de cette accumulation, aussi les machines tendent-elles à rendre le salaire de plus en plus abondant. (Hte D.)

  2. On voit par l’énoncé de cette proposition que Turgot prend le mot de salaire comme le simple équivalent de la subsistance. — Alors il eût été plus simple de dire : La terre est la seule force qui permette à un seul homme de créer plus de