Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les loisirs de sa retraite à étendre le cercle des hautes connaissances qu’il possédait en géométrie, en astronomie, en physique, en chimie, en géologie, dans la société des Bossut, des d’Alembert, des Condorcet, des Lavoisier, des Rouelle, des Rochon, lorsqu’une cruelle attaque de goutte, après l’avoir arraché pendant longtemps à ces nobles travaux, vint l’enlever à la France le 20 mars 1781[1].

« Quelques hommes », dit Condorcet, « ont exercé de grandes vertus avec plus d’éclat, ont eu des qualités plus brillantes, ont montré dans quelques genres un plus grand génie ; mais peut-être jamais aucun homme n’a-t-il offert à l’admiration un tout

  1. Toujours occupé de pensées nobles et utiles, ce fut Turgot qui provoqua, quelque temps après sa sortie du ministère, l’acte honorable par lequel le gouvernement français déclara qu’en cas de guerre le vaisseau du capitaine Cook serait respecté par notre manne. Sartine avait soumis cette proposition au roi, sur le vu de la Note suivante, dont il ne connaissait pas l’auteur, qui était son ancien collègue.
    Note sur le voyage du capitaine Cook.

    Le capitaine Cook, un des plus habiles officiers de la marine royale d’Angleterre, après avoir fait deux fois le tour du globe, après avoir, dans le cours de ces deux voyages, donné le premier à l’Europe une connaissance exacte de l’hémisphère austral, perfectionné la navigation, enrichi la géographie et l’histoire naturelle d’une foule de découvertes utiles, a entrepris d’en faire un troisième, dont l’objet est de reconnaître et de décrire les côtes, les îles et les mers situées au nord du Japon et de la Californie.

    Il est parti de Plymouth au mois de juillet 1776, sur le vaisseau la Résolution, le même qu’il avait commandé dans son second voyage.

    Ce vaisseau, du port de quatre à cinq cents tonneaux, et d’un peu plus de cent hommes d’équipage, n’est point un bâtiment propre aux opérations militaires ; il avait été construit originairement pour le commerce du charbon de terre.

    Le capitaine Cook est vraisemblablement en chemin pour revenir en Europe.

    Son expédition n’ayant pour but que les progrès des connaissances humaines, intéressant par conséquent toutes les nations, il est digne de la magnanimité du roi de ne pas permettre que le succès en puisse être compromis par les hasards de la guerre. — Dans le cas de rupture entre les deux couronnes, on propose à Sa Majesté, ordonner à tous les officiers de sa marine, ou armateurs particuliers, qui pourraient rencontrer le capitaine Cook, de s’abstenir de toute hostilité envers lui et son bâtiment, de lui laisser continuer librement sa navigation, et de le traiter à tous les égards comme il est d’usage de traiter les officiers et les navires des nations neutres et amies, en lui faisant connaître cette marque de l’estime du roi pour sa personne, et le prévenant que Sa Majesté attend de lui qu’il s’abstiendra de son côté de tout acte hostile.

    Il paraît convenable de donner connaissance de cet ordre aux ministres de sa majesté britannique.