demeurait une famille sujette à tomber dans un petit défaut, celui de voler. Il paraît que ces braves gens avaient un goût particulier pour les volailles et les viandes fraîches. Pendant un certain hiver surtout, le père et ses deux garçons s’étaient donné le trouble de parcourir les laiteries et avaient amassé force provisions en cas de disette. Afin de les conserver avec toutes leurs qualités, et aussi afin de les soustraire aux regards indiscrets des curieux, ils avaient placé ces provisions dans une grande glacière facilement pratiquée dans un énorme banc de neige qui se renouvelle chaque hiver dans la coulée profonde que l’on voit au nord-est de la Côte du Roi. Personne ne pense à passer par cet endroit en hiver, impossible donc de mieux placer une cachette. Mais ne voilà-t-il pas qu’un bon jour des enfants (où ne va-t-on pas à cet âge) s’avisent d’aller y glisser !
Le joyeux bataillon, dans la côte rapide,
Allait, venait, allait sans perdre un seul instant,
Quand tout à coup l’un d’eux, ô cachette perfide !
Sent tout crouler sous lui et tombe tremblotant
Sur un amas confus de fraîches côtelettes,
De poules, de poulets, de gigots de mouton
Parmi lesquels était, sur un plat d’andouillettes
Le roi des basses-cours, un superbe dindon
Dit-on.