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LE CONTEUR BRETON

Quoiqu’il passât pour idiot aux yeux des hommes, Christophe ne l’était pas, comme vous verrez. Maintenant, comme il n’avait plus besoin d’aller chercher du bois de chauffage, Christophe jouait à plein cœur, et avait entièrement oublié son petit poisson. Il ne lui vint jamais à l’esprit de se faire donner par son poisson de l’argent ou des vivres pour sa mère et pour lui-même. Il faisait après, ce qu’il faisait avant, et pourvu qu’il eût son bâton crochu pour le soutenir et pour jouer, il ne songeait à rien autre chose.

À quatre ou cinq mois de là, le bruit courut que la fille du roi Gradlon était enceinte ; on ne parlait que de cela, et ce qui était vrai, c’est que la princesse Ahez grossissait chaque jour. De bouche en bouche ce bruit arriva bientôt aux oreilles du roi. Celui-ci, tout d’abord, ne put croire que ce qu’on disait fût vrai. — Jamais, disait-il, d’autre homme que moi n’a fréquenté Ahez ; mes soins, depuis qu’elle est née, ont toujours été de la préserver de toute mauvaise compagnie ; et de plus, elle est trop sage et trop pieuse, elle m’aime trop pour en venir à commettre un péché si grand et qui me ferait tant de peine. Non, non, c’est une calomnie, et les mauvaises langues seulement la répètent.

Cependant de jour en jour les vêtements de la princesse se resserraient sur son corps, et chaque jour aussi le bruit s’en répandait de plus en plus, si bien que le roi dit qu’il fallait voir. Il va trouver sa fille et lui dit ce qu’il y a de nouveau sur son compte. — Ma foi, mon père, dit-elle, je suis

moi-même étonnée de ce qui arrive, car mon

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