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LE CONTEUR BRETON

de dire au corps : — Je vais te donner ton âme, ouvre la bouche. — Le corps avait les yeux ouverts et même au grand ouverts, sans rien voir cependant. Il ouvrit la bouche à ces mots d’Ivon ; mais celui-ci, au lieu de lui faire avaler l’œuf, l’écrasa sur son front, et le corps mourut là sur l’heure, en frémissant de la tête aux pieds. La roche se fendit aussitôt par la moitié avec un bruit épouvantable, et engloutit le corps, à l’instar d’un marsouin qui avale une petite anguille.

La princesse et Ivon étaient descendus, et celui-ci, transformé en un grand aigle, porta son épouse hors de ce lieu. Ils n’étaient pas encore bien éloignés de l’île, lorsqu’ils entendirent retentir derrière eux, comme un coup de tonnerre ; tous deux se retournèrent et virent des flammes qui jaillissaient du milieu de la mer et qui anéantirent l’île, Quant au Corps sans âme, on ne vit plus son ombre sur la terre.

Ivon et la princesse ne furent pas longtemps en chemin ; ils arrivèrent vers la nuit à Nantes, dans le palais du roi leur père. Celui-ci était joyeux (si homme le fut jamais) de voir de retour sa fille et son gendre. Il avait fait leur deuil, car il les croyait morts. On fit un splendide festin pour célébrer leur retour ; et après qu’ils furent reposés, Ivon et son épouse furent heureux le reste de leur vie. — À la mort de son beau-père, Ivon fut nommé roi à sa place, et ayant rencontré son ancien capitaine, il lui tint ce langage : — Ce que vous disiez n’était pas faux ; je suis devenu homme avec le temps. Vous ne vous doutiez pas alors, ni moi