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LE CONTEUR BRETON

beauté du lieu qui était parfaitement éclairé, quoi qu’il n’y eut nulle part ni chandelle, ni lumière qui éclairât. Mais son esprit n’était pas avec ces choses ; il était avec son épouse.

Celle-ci, quand Ivon entra, était occupée à peigner la tête du corps avec un peigne d’ivoire d’une entière blancheur. Ivon, ou si vous aimez mieux, la fourmi en ce moment, quand elle voit cela, se met à grimper le long de la princesse et se place dans son oreille. Avant d’y entrer, il lui dit tout doucement : — Ne te gratte pas ; je suis Ivon, venu ici sous la forme d’une fourmi, pour te délivrer de cette méchante bête. Demande-lui comment il a pu te porter jusqu’ici, et caresse le du mieux que tu pourras, afin d’apprendre de lui où réside sa force.

Alors la princesse, faisant semblant de lui gratter la tête, lui dit : — Qui êtes-vous et comment vous nomme-t-on ? — Moi, dit-il, je suis né d’une sirène et d’un loup-garou ; mon nom est le Corps sans âme. — Quoi, dit la princesse ; un corps sans âme ? Comment alors pouvez-vous vivre ? — Par la vertu d’un grand esprit qui m’a donné une grande puissance ; et encore ma puissance n’est rien en comparaison de ce qu’elle eût été, si j’avais pu avoir mon âme. — Vous avez donc une âme qui n’est pas avec vous ? — Non, malheureusement, dit le corps, elle n’est pas avec moi ; si je l’avais, il n’est rien dont je ne pusse venir à bout. Avec mon âme, j’aurais retourné l'univers sens dessus dessous.