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LE CONTEUR BRETON

porte au château, en sifflant comme un chasseur de lièvres, vers le soir, quand il rentre au logis avec deux pièces sans queue[1] dans sa gibecière.

Pendant ce temps, Jean à la barre en fer était arrivé assez près pour voir et entendre en partie, et sans être aperçu, ce qui s’était fait et dit. Il suit les traces du géant jusqu’au château et là, met son oreille contre la barre d’une vieille croisée de la grande salle. Il entend le vieil ogre qui disait au géant : — Je pense que vous avez eu une rude besogne, mon enfant. — Foi de Dieu ! c’est vrai ; c’est même un rude combat qui a eu lieu ; jamais je n’en vis de pareil : mes deux frères aînés sont restés sans mouvement sur le champ de bataille.

Songeant alors qu’il avait toujours ses deux prises sur le dos, le géant les jeta sur le plancher comme deux sacs de vieux chiffons, en disant avec colère au vieil ogre : — En voilà deux pour deux, je les trouve bien chers. Ceux-ci ne sont pas des hommes ; ce sont des diables. — Ce sont des hommes, mon pauvre enfant, seulement ils ne sont pas baptisés. — Eh bien, chacun d’eux valait plus de cent hommes baptisés, car je ne me doutais de rien, quand j’ai aperçu l’un d’eux jetant une meule de moulin à la tête de mon frère aîné, qui tomba raide mort sur la terre. Et aussi vite (que je puis le dire), il tira de sa poche une autre meule, et la jeta à la face de mon autre frère qui tomba mort aussi. Pendant ce temps, l’autre me

  1. Le lièvre, comme on sait, n’a pas de queue.