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LE CONTEUR BRETON


Jean de Ker-Savater trouvait que le meunier du Passage-des-Souris était un brave homme, quoique voleur de farine, ainsi qu’il avait en tendu dire qu’étaient la plupart des meuniers :


Le meunier, voleur de farine,
Sera damné jusques au pouce ;
Et son pouce le plus damné
Est celui qui entre le premier dans le sac.


Ce meunier ayant beaucoup d’eau à son moulin, comme on dit, retint Jean comme porteur. Il n’avait jamais vu de domestique pareil à Jean, ni même comparable à lui. Quand il fallait lever la meule pour la piquer, Jean ne s’amusait pas à chercher corde ou manivelle ; il la levait à la force de ses bras. Il portait aussi sur son dos au marché plus de blé ou de farine que tout cheval de Cornouaille ou de Léon, qui plus est.

C’est pourquoi le meunier, voyant que Jean était un garçon sans pareil et très-bon pour le travail, lui offrit sa fille en mariage, Mais Jean resta ébahi quand il entendit cela, et comme il ne comprenait pas ces sortes de choses, il en fut tout déconcerté et s’enfuit à la dérobée, comme s’il avait commis quelque crime.

En partant du moulin, il vit une grosse barre en fer qui était derrière la porte ; il mit la main dessus et l’emporta, comme on eut fait d’une légère baguette. Quand Jean arriva au