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« Et maintenant vous savez tout ; — tout, excepté son regard, sa manière, son ton ; cela, je ne saurais vous le décrire. Il me semble, maintenant mieux connaître, mieux comprendre George que je ne l’ai fait jusqu’à présent. C’est un homme qu’une femme au cœur tendre aimerait éperdument. Et moi… mais qu’importe, chère amie. Je crois, — que dis-je ? je suis certaine que je me remettrai. Vous ne le pourriez pas. Je le répète, c’est un homme qu’une femme pourrait adorer ; et pourtant, il est si brusque, si sévère, si rude lorsqu’il est en colère ! Il n’a pas de mesure dans ses paroles. Je ne crois pas qu’il se rende compte de ce qu’il dit. Et pourtant, il a le cœur si tendre, si bon ! Je le voyais bien ! mais il ne donne pas le temps de le reconnaître, — à moi, du moins, il ne m’en a pas donné le temps. Vous est-il jamais arrivé d’être grondée, accablée de reproches, dédaignée par un homme que vous aimiez, et de sentir que son mépris vous le faisait aimer davantage ? Je l’ai senti, moi. Je l’ai senti, mais il m’eût été impossible de l’avouer. Lui aussi, il a eu tort. Il n’aurait pas dû me faire des reproches, s’il ne comptait pas me pardonner. J’ai lu quelque part qu’un roi ne doit pas recevoir un suppliant, à moins qu’il ne compte faire grâce. Je comprends cela. Si George était décidé à me condamner, il aurait dû m’écrire, pour m’annoncer ma sentence. Mais en ces sortes de choses, il ne considère rien, me suit que l’impulsion de son cœur.

« Cela ne m’empêche pas, ma chère Adela, de sentir que tout est pour le mieux. Tenez ! avec vous je