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en marchant plus vite, comme si elle eût voulu fuir les paroles qu’elle pressentait.

— Monsieur Bertram, ne me dites pas ce qu’il est inutile que vous me disiez.

— Cela ne sera pas inutile. Vous êtes mon amie, et il est bon que les amis se comprennent. Vous savez combien j’ai aimé Caroline. Vous croyez que je l’ai bien aimée, n’est-ce-pas ?

— Oh ! oui, je crois cela.

— Vous pouvez le croire. Oui, je l’ai aimée. Maintenant elle va appartenir à cet homme et je ne dois plus l’aimer…

— Vous ne devez plus l’aimer de la même manière.

— De la même manière ! Y a-t-il deux manières d’aimer, pour qu’un homme puisse en changer comme il passe d’une chambre à une autre ? Il faut que je l’efface de mon esprit, de mon cœur, que je l’efface entièrement, fallût-il un fer rouge. Je ne veux pas aimer quoi que ce soit qui appartienne à cet homme.

— Vous ne devez pas aimer sa femme, dit Adela.

— Sa femme ! Elle ne sera jamais sa femme ! Elle ne sera jamais pour lui la chair de sa chair et les os de ses os, comme elle l’aurait été pour moi. Entre eux il n’y aura qu’une association qui se dissoudra lorsque les deux trafiquants auront tiré le meilleur parti possible de leur commerce avec le monde.

— Puisque vous l’aimez, monsieur Bertram, ne parlez pas d’elle avec tant d’amertume.

— Avec amertume ! Mais puisque je vous dis qu’elle a bien raison de faire ce qu’elle fait ! Si une femme ne