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elle été à ce point perfide ? — fausse en amitié comme en amour ?

— Adela, Adela, pourquoi ne nous sommes-nous pas rencontrés plus tôt dans cette vie ? Oui, — vous et moi. Ces derniers mots il les ajouta après qu’elle eut vivement retiré sa main. Car elle l’avait bien vite retirée, et moins vite relevé son visage tout inondé de larmes pour soutenir bravement tout le poids du regard de Bertram. Était-il possible qu’il sût son amour et qu’il crût que cet amour s’adressait à lui ?

— Oui ; vous et moi, je le répète, poursuivit-il, quoique vous me regardiez avec tant d’indignation. Vous voulez me dire, n’est-ce pas, que quand même je vous aurais rencontré plus tôt, il m’aurait été impossible de vous obtenir ? Parlez donc, Adela, est-ce là ce que vous voulez dire ?

— Oui, c’eût été impossible, impossible à tous égards, — impossible des deux côtés, veux-je dire.

— Alors, Adela, vous aussi vous n’avez pas un cœur vide et libre ? Sans cela, pourquoi serait-ce impossible ?

— Monsieur Bertram, quand je suis venue ici, je n’avais aucun désir, aucune intention de parler de moi.

— Pourquoi ne parlerions-nous pas aussi bien de vous que de moi ? Je le redis encore, Adela, pourquoi ne nous sommes-nous pas rencontrés plus tôt ? Alors, je n’aurais peut-être pas fait ce grand naufrage. Je vais vous parler franchement, Adela. Pourquoi pas ? ajouta-t-il en voyant qu’elle cherchait à se dérober à lui,