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pourvu qu’on reste bien tranquille et qu’on laisse dire le curé tout à son aise.

— Rien n’est plus facile que le ridicule, surtout vis-à-vis de la religion.

— C’est très-vrai. Mais il n’est pas moins vrai qu’il est fort difficile de faire rire aux dépens d’une chose qui n’est pas ridicule par quelque côté.

— Et le culte de Dieu est ridicule, selon toi ?

— Non ; il est ridicule de faire semblant d’adorer Dieu. Comme il n’y a qu’un pas du sublime au ridicule, et que le culte véritable de Dieu est peut-être la plus haute sublimité à laquelle l’homme puisse atteindre, il en résulte que celui-ci n’est jamais plus complètement absurde et plus profondément ridicule que lorsqu’il fait semblant d’adorer.

— Il n’est pas d’effort qui n’échoue parfois.

— Je m’explique, dit Bertram, qui suivait sa propre pensée au lieu d’écouter son compagnon. Quelle idée plus magnifique peut-on se faire de l’homme que celle qui nous le représente les mains jointes et les yeux levés vers le ciel avec lequel il entre en communion directe ? Mais qu’on s’imagine ensuite ce même homme dans la même posture, sans cette communion : on aura parcouru toute la gamme de l’humanité, depuis saint Paul jusqu’à l’hypocrite Pecsniff.

— Mais en quoi tout cela touche-t-il la foi ? C’est affaire à chacun d’avoir soin d’être plus près de saint Paul que de Pecsniff.

— Cela ne touche en rien à la foi, c’est vrai ; mais c’est cependant une mesure, et la seule mesure que