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versation ; de son côté, Arthur, tout en causant comme l’exigeait son rôle de maître de maison, ne s’adressa que fort rarement à elle.

Le lendemain, tout le monde se rendit à l’église, cela va sans dire. Quel visiteur au presbytère oserait se dispenser de cette obligation ? Ce n’est guère que la femme du ministre, ou peut-être, sa fille, si elle est très-indépendante ou-très-volontaire, qui se permettent jamais pareille chose. Toujours est-il qu’à Hurst-Staple, ce dimanche-là, tout le monde alla à l’église. Adela était en grand deuil, et elle tenait baissé son long voile noir, afin de cacher ses larmes, car la dernière fois qu’elle avait été dans une, église, elle avait entendu son père prêcher son dernier sermon.

Bertram, en passant le seuil, ne put s’empêcher de songer que bien des mois s’étaient écoulés depuis qu’il avait pris publiquement part aux exercices du culte. Et cependant, il avait été un temps, — un temps qui n’était pas encore très-loin de lui, — où il adressait au ciel de fréquentes et ferventes prières. Il y avait trois ans à peine que, sur le sommet du mont des Oliviers, il s’était juré de se dévouer au service du Christ. Pourquoi ce vœu avait-il été trahi ? Une jeune fille l’avait tourné en ridicule ; une jeune fille avait tout dissipé par le lustre de sa beauté, l’éclat de son regard, le rire de sa bouche vermeille. Il s’était promis à Dieu ; mais le frôlement d’un vêtement de femme avait rendu son cœur parjure. À la demande d’une femme, à sa première parole, il avait jeté aux vents sa promesse.