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Cette habitude que l’on a de distribuer les lettres à l’heure du déjeuner, quand tout le monde est réuni, a ses bons côtés, sans contredit. Il est bon de recevoir ses lettres avant que le travail ou les plaisirs du jour aient commencé ; il est bon de pouvoir discuter en famille les petits sujets d’intérêt commun à mesure qu’ils se présentent. « — Ah ! tout va bien ; le bébé d’Élisa a fait sa première dent. Après tout, il n’est rien de tel pour les enfants que l’élixir de Daffy ; » ou bien : « — Ma chère, le guano arrive aujourd’hui ; j’aurai donc besoin des chevaux toute la semaine, ne l’oubliez pas ; » ou bien encore : « — Quel ennui ! papa, voilà Catherine qui m’annonce sa visite, et il va falloir inviter les Poldoodle ! Vous savez que Frank Poldoodle est tout à fait féru de Catherine. » Tout cela est fort commode, mais il y a aussi des inconvénients. De certaines lettres ont le privilège d’assombrir et de faire plisser les fronts. Il arrive de temps à autre des messages auxquels on ne sait pas sourire. Il est des nouvelles qui troublent l’humeur la plus sereine, et dont la venue répand un nuage sur les plus aimables visages. On aimerait à recevoir ces lettres-là quand on est seul.

Bertram reçut deux lettres de ce genre, tandis qu’il était à déjeuner, le lendemain de son arrivée, et il les lut pendant que les regards de tous les habitants du presbytère étaient, — non pas fixés sur lui, ce qui eût été bien moins terrible, mais détournés de lui avec affectation. Il en avait tout de suite reconnu l’écriture, et il eût volontiers quitté la table pour les lire. Mais