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dire avec une semblable sincérité. Et pourtant l’on ne voudrait pas voir de telles fleurs demeurer sans être cueillies, parce qu’il n’est pas de mains dignes de les toucher.

Il n’est pas nécessaire d’en dire bien long sur la vie du ministre de Hurst-Staple et de sa femme. Peut-être même est-il inutile d’en parler. Je n’ai point à raconter qu’ils devinrent subitement riches. Nul premier ministre, touché de la beauté de la femme ou des vertus du mari, ne fit de Wilkinson un évêque. Il n’obtint pas même un doyenné. Il occupe toujours le presbytère de Hurst-Staple, et il prélève encore, sur ses appointements si bien gagnés, l’ancienne redevance qu’il paye à sa mère. Celle-ci demeure à Littlebath, avec ses filles. Un ou deux élèves prennent généralement place à la table frugale du presbytère, et notre ami Wilkinson se vante volontiers de ce qu’aucun de ces jeunes convives n’ait été jusqu’à ce jour fruit sec. En ce qui touche les biens de ce monde, le ménage en a bien assez pour la femme, et peut-être presque assez pour le mari. Qui donc oserait s’apitoyer sur eux et dire qu’ils sont pauvres ?

De temps à autre, ils font une promenade au bord de l’eau jusqu’à West-Putford. Comment faire cela sans songer aux peines passées et au bonheur présent ?

— Ah ! dit Adela un soir qu’ils suivaient ensemble le petit sentier bordé de roseaux, — c’était peu de temps après leur mariage, — ah ! cher ami, ce temps-ci vaut mieux que celui où tu venais ici tout seul.

— Tu trouves, ma chérie ?