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loyaux sur lesquels il pourrait compter à l’heure du danger. Jadis il avait eu un ami de ce genre, mais celui-là, aujourd’hui, était son plus terrible ennemi. L’horizon autour de lui était tout noir, et il désespéra.

Que d’hommes vivent et meurent sans qu’aucun signe soit venu montrer s’ils sont des lâches consommés, ou des héros au cœur vaillant et loyal ! On aurait dit de Harcourt, un an auparavant, qu’il ne manquait pas de courage. Il savait se lever sans crainte devant un tribunal de juges, en présence de tout le barreau d’Angleterre, et proclamer, comme avec une trompette d’airain, la vérité ou le mensonge avec un égal bruit ; frappant un adversaire par-ci, en terrassant un autre par-là, d’une façon qui, vu sa jeunesse, remplissait d’admiration tous les spectateurs. Il savait parler, pendant des heures entières, aux représentants des communes d’Angleterre, sans qu’un scrupule de modestie vînt jamais alourdir son discours. Il savait, d’un regard ou d’une parole, se faire grand en rendant les autres petits. Mais malgré tout, c’était un lâche. Le malheur l’avait surpris, et il était vaincu du coup.

Le malheur l’atteignait et il le trouvait insupportable ; — il le trouvait complètement, entièrement impossible à endurer. Il n’y avait en lui ni le fonds ni la résistance nécessaires pour soutenir le fardeau que lui imposait le sort. Il faiblit, s’affaissa, et tomba écrasé sous le poids.

Il se leva de son fauteuil et avala un autre verre d’eau-de-vie. Mais comment décrire les efforts d’un esprit se débattant dans une angoisse semblable ?