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gant. Mon Dieu ! me voici à la fin, George, tout près de la fin.

En effet, la fin était proche. À partir de ce moment, M. Bertram ne parla plus d’une façon intelligible à personne. Il souffrit beaucoup pendant les dernières heures, et parut tourmenté par ses propres pensées. Lorsqu’il murmurait quelques mots, ils paraissaient avoir rapport à des questions de détail, — à de petits tracas que les mourants sentent aussi vivement que ceux chez qui la vie déborde. Jusqu’au bout, il préféra les soins de George à ceux de sa nièce et de sa petite-fille, et il ne paraissait satisfait que lorsque son neveu était auprès de lui. Il prononça une ou deux fois le nom de M. Pritchett ; mais il fit un signe de dénégation chaque fois qu’on lui proposa de le faire chercher.

Vers la fin du troisième jour M. Bertram rendit le dernier soupir en présence des siens. Son parent le plus proche n’était pas auprès de lui, car personne n’avait osé l’appeler. Dans les derniers temps il avait exprimé tant de dégoût au seul nom de sir Lionel, que tous, d’un commun accord, s’étaient abstenus de nommer le père de George. Le mourant sembla comprendre que son dernier instant approchait, car de temps à autre il levait la main maigre et flétrie qui reposait sur le lit, comme pour avertir ceux qui l’entouraient. Ainsi il mourut, et les yeux du millionnaire furent fermés pour toujours.

Il mourut plein d’années, et peut-être aussi, selon l’acception la plus générale du mot, plein d’honneur. Il ne devait rien à personne ; il avait tenu tous ses en-