Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Tu veux donc le tout, alors… tout… tout ! dit l’oncle presque en pleurant.

— Ni tout, ni dix fois tout votre argent ne me ferait bouger d’une ligne ! s’écria George d’une voix éclatante et presque irritée.

M. Bertram se tourna vers la table, et se cacha la figure dans les mains. Il ne comprenait plus rien ; il ne devinait pas d’où provenait cette opposition. Il ne pouvait concevoir quel était le mobile qui poussait son neveu à le contrarier et à le dédaigner ainsi, lorsqu’il lui tendait les mains pleines de millions. Il voyait seulement que son offre était repoussée, et il se sentait humilié et impuissant.

— Ne soyez pas fâché contre moi, mon oncle, dit George.

— Faites à votre guise, monsieur ; faites à votre guise, dit l’oncle. Je ne m’occupe plus de vous. J’avais pensé, — mais n’importe !… Et il sonna violemment.

— Sarah ! je vais me coucher ; ma chambre est-elle prête ? Femme ! je vous demande si mon lit est prêt ? Puis il se laissa emmener, et George ne le revit plus de la soirée. Il ne le revit pas le lendemain ; il ne le revit pas de bien longtemps. En se levant, il demanda des nouvelles de son oncle en lui faisant faire ses amitiés ; mais Sarah revint lui dire, d’un air consterné, que M. Bertram avait seulement marmotté entre ses dents : « Qu’il lui importait peu, — à son neveu voulait-il dire, — qu’il allât bien ou mal. » Après avoir reçu ce dernier message, George retourna à Londres.