Je voudrais bien croire que mes lecteurs ne trouvent pas la lettre d’Adela inconvenante. Je crains pourtant que certaines gens ne disent qu’elle était trop hardie. Mais Adela n’avait-elle pas été pleine de réserve et de modestie féminines pendant cinq longues années ? La retenue est chose charmante, sans doute, chez une jeune fille, mais il faut qu’elle soit opportune. Parfois on serait heureux d’en rencontrer davantage ; mais quand le cœur est plein, quand l’heure de parler est venue, quand les circonstances et les bienséances le permettent, alors, dirons-nous, la sincérité et l’honnête franchise valent mieux que la réserve. La lettre d’Adela, écrite sans réflexion, était sincère et honnête ; sa retenue et sa réserve avaient été l’œuvre d’un long et patient effort.
En tout cas, cette lettre satisfit pleinement Arthur. Il la trouva parfaite. Avec elle il se sentait le courage d’affronter sa mère, fût-elle armée de tous les pouvoirs de lord Stapledean.
Toute la famille était à table quand il reçut cette bienheureuse réponse ; il la lut et la passa à sa mère.
— Oh ! je le savais bien. Ce fut la seule remarque de madame Wilkinson en lui rendant sa lettre. Mais la curiosité de ses sœurs l’emporta sur le sentiment de leur dignité.
— C’est une lettre d’Adela ? demanda Mary ; que dit-elle donc ?
— Tu peux la lire, répondit Arthur en lui passant la lettre.