Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mon oncle. Cela ne nous suffit-il pas ? L’argent n’y est pour rien, n’y sera jamais pour rien.

— Tu ne me crois pas capable de te tromper, n’est-ce pas, et de faire ensuite un autre testament ? Je te ferai une donation, si tu le préfères, ou je te l’assurerai par contrat, — par contrat exécutable après ma mort, s’entend. À ces mots, George se détourna de nouveau. — Tu en auras la moitié, George ; par Dieu ! tu en auras la moitié ; pour toi… assurée… oui… la moitié te sera assurée. Alors, seulement, l’oncle abandonna la main de son neveu. Il la laissa retomber, ferma les yeux et se prit à réfléchir au sacrifice immense qu’il venait de faire.

C’était pour le jeune Bertram un terrible spectacle. En voyant les combats de son oncle, il s’était presque oublié lui-même. C’était affreux de voir l’angoisse du vieillard, et plus affreux encore, de suivre les pensées qui lui traversaient l’esprit. Il offrait follement son espoir, son bonheur, son paradis, son Dieu, car il voyait que bientôt l’impitoyable nature l’en séparerait sans retour : mais, si inutiles qu’allaient lui devenir ses richesses, il ne pouvait croire que pour d’autres elles ne fussent toutes-puissantes.

— Il est essentiel que nous nous comprenions, dit George d’une voix qu’il cherchait à rendre ferme, mais qui, en outre, était sévère. J’ai cru qu’il fallait venir vous annoncer que mon mariage était rompu. Mais, cela fait, il ne reste plus rien à dire à ce sujet. Nous avons pris le parti de nous séparer, Caroline et moi, et je vous assure que l’argent n’ébranlera jamais notre résolution.