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longues promenades au bord de la rivière qui le menaient à West-Putford, et qu’elle avait pris l’habitude de guetter son arrivée à la petite grille au bout de la pelouse. Dans ce temps-là, elle s’était accusée d’imprudence ; puis, presque aussitôt, elle avait découvert qu’il était déjà trop tard pour être prudente. Elle s’était bien vite avoué la vérité, et elle avait toujours continué à être franche avec elle. Aujourd’hui elle tenait sa récompense, — elle la tenait là dans ses mains et elle la pressait sur son cœur. Il l’aimait, disait-il, depuis bien des années ! Elle aussi l’aimait depuis longtemps et elle pourrait maintenant le lui apprendre. Il le saurait, mais pas tout de suite. Elle le lui dirait tout bas, un jour, à l’heure des grandes confidences.

« Je crois que je vous fis part de cette résolution, mais, sans doute, vous avez oublié tout cela ! »

Oublié cela ! non, elle n’avait oublié ni une seule de ses paroles, ni le son de sa voix, ni l’expression de son regard, alors qu’assis dans le salon de son père, il avait paru avoir à peine la force de lui conter ses chagrins. Elle ne pouvait oublier l’effort qu’elle avait dû faire pour empêcher que la rougeur ne lui montât au visage et ne trahît son secret, et combien il lui avait été douloureux de subir cette confidence. Elle avait bien souffert, mais elle en était récompensée ! Dans ce temps-là Arthur était venu lui dire qu’il était trop pauvre pour se marier, et, malgré son amour, elle avait été bien près de le mépriser ; mais le temps et le monde l’avaient rendu sage. Le monde qui fait tant d’égoïstes et de calculateurs l’avait rendu plus vaillant