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avait voulu lui dire. Elle savait maintenant que ce qu’elle craignait le plus au monde était imminent. Ce n’était pas assurément qu’elle ne désirât voir son fils heureux, ou qu’elle crût que ce mariage ne contribuerait pas à son bonheur ; mais elle était vexée, comme le sont bien des mères quand elles voient leurs grands imbéciles de garçons prendre femme sans avoir de quoi vivre. Cette nuit-là, elle se redit bien souvent :

« Je ne puis pas loger une seconde famille dans ce presbytère, c’est bien certain. Où vivront-ils ? Je ne le vois pas, Et comment vivront-ils quand il aura perdu son traitement d’agrégé ? Je n’en sais rien. » Et là-dessus elle secouait véhémentement la tête, bien qu’elle fût coiffée d’un bonnet de nuit et qu’elle reposât sur l’oreiller. « Cinquante mille francs ! c’est tout ce qu’elle possède au monde, — pas un sou avec. » Et madame Wilkinson secouait la tête de nouveau. Elle savait que les revenus ecclésiastiques lui appartenaient, puisque ce bon lord Stapledean les lui avait donnés. Toutefois, elle se sentait inquiète, car elle était forcée de s’avouer que, même sur ce sujet-là, son fils et elle pourraient bien n’être pas du même avis.

Le surlendemain de ce jour l’explosion eut lieu subitement. Madame Wilkinson avait pris l’habitude d’aller s’installer tous les matins, après le déjeuner, dans la bibliothèque pour travailler, ainsi que le faisait, de son vivant, son mari le défunt ministre. Or, comme Arthur depuis son retour faisait de même, ils se trouvèrent naturellement réunis et seuls. Ce jour-là elle ne fut pas plutôt assise devant ses papiers, qu’Ar-