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à bord. Tous deux s’étaient composé des visages préparés aux plus tristes émotions, et s’étaient fait accompagner de dames pourvues de mouchoirs de poche sympathiques. Quelle surprise attendait ces vieillards sensibles et ces femmes compatissantes !

Point du tout ! Au moment où nos deux amis, entourés de leur bagage, se préparaient à quitter le bord, ils tressaillirent en voyant soudain apparaître deux femmes ensevelies dans les sombres draperies du deuil le plus profond. Sous le large crêpe de leurs vastes chapeaux noirs on voyait passer le bord d’un bonnet de veuve. Leurs yeux semblaient rougis par les larmes, quand les mouchoirs à larges bords s’écartaient un instant de leur visage, et permettaient d’apercevoir des traits où se peignait la douleur. On croyait entendre le bruit des sanglots qui devaient soulever leurs poitrines.

Hélas ! qu’il était triste de penser que des créatures si jeunes, aux formes si sveltes et si gracieuses, étaient condamnées par le sort cruel à porter ces insignes lugubres ! Le lourd et terne crêpe de veuve les enveloppait de la tête aux pieds, et retombait en longs plis jusque sur le pont. Elles étaient tout crêpe — pour ainsi dire. Elles se tenaient immobiles, monuments funèbres, tombes vivantes, ne donnant d’autre signe de vie que leurs larmes. Elles restaient là silencieuses, attendant l’instant où, succombant sous le poids de trop cruels souvenirs, elles se laisseraient aller dans les bras de leurs parents respectifs.

C’était madame Cox et madame Price. Bertram et