Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dit Arthur avec une inquiétude presque fiévreuse.

— Elle me dit de me rappeler que ceux qui osaient aimer devaient avoir le courage de souffrir. Elle me dit que le pauvre cerf blessé par le chasseur doit savoir supporter la vie, bien qu’il reste seul, et qu’il soit « abandonné par ses compagnons au doux pelage. » Et elle disait vrai. Je n’ai pas tout son courage, mais je veux prendre exemple sur elle et apprendre à souffrir — tranquillement et sans rien dire, si cela est possible.

— Il est donc vrai que tu lui as proposé de l’épouser ?

— Pas précisément. Je ne saurais dire au juste comment je lui ai parlé, mais voilà comment elle m’a répondu.

— Mais pourquoi dis-tu que tu veux prendre exemple sur elle ? A-t-elle eu quelque peine semblable à la tienne ?

— Je ne sais ; tu peux le lui demander. Je n’ai pas osé le faire.

— Mais tu viens de le dire, — du moins tu l’as donné à entendre. Adela Gauntlet aime-t-elle véritablement quelqu’un ?

George Bertram ne répondit pas tout de suite à cette question. Il avait donné sa parole d’ami à Adela qu’il lui garderait le secret ; et puis ce secret il ne le connaissait que parce qu’il l’avait deviné. Il ne pouvait, à strictement parler, affirmer comme un fait qu’Adela eût un amour au cœur. Pourtant il se décida à le dire. Pourquoi ne ferait-il pas quelque chose pour assurer le bonheur de ces deux êtres ?