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être qui se soucie de moi, que je puisse remercier, que je puisse aimer ouvertement ?

— Est-ce que nous ne t’aimons pas à Hurst-Staple ?

— Je n’en sais rien. Je sais que vous devez vous sentir honteux de moi. Je crois qu’Adela Gauntlet est mon amie — si tant est que dans notre stupide pays il soit permis à une jeune fille honnête d’aimer un homme qui n’est ni son frère ni son fiancé.

— Je suis sûre qu’elle est ton amie, dit Arthur. Après un assez long silence, il reprit : — Sais-tu que j’ai cru un instant…

— Quoi donc ?

— Que tu aimais Adela.

— Mais c’est très-vrai, je l’aime beaucoup.

— Je veux dire autre chose…

— Tu as cru un instant que je l’épouserais volontiers, si la chose était possible ? Est-ce cela que tu veux dire ?

— Oui, dit Wilkinson en rougissant jusqu’au blanc des yeux. Peu importait sa rougeur, du reste, car personne ne pouvait la voir.

— Eh bien ! je vais tout te conter, Arthur. Assis ici dans le désert, on se dit bien des choses dont on n’aimerait point à parler en Angleterre. Il est vrai qu’il y a eu un moment, — un seul moment, — pendant lequel je l’aurais épousée volontiers, — un moment pendant lequel je me suis flatté que je pourrais oublier Caroline Waddington. Ah ! si je pouvais te dire comment Adela s’est comportée !

— Comment cela ! Dis-moi, qu’a-t-elle répondu ?