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un autre, il lui avait semblé qu’il ferait, pour l’obtenir, de grands sacrifices. Aujourd’hui, il l’avait obtenue, et elle était là devant lui, lui avouant qu’elle aimait encore le rival qu’il avait supplanté. Il n’est pas étonnant que son regard soit devenu sombre, malgré toute son astuce.

— Et il est venu aujourd’hui afin que vous lui disiez que vous l’aimez ?

— Il est venu aujourd’hui, et je le lui ai dit, répondit Caroline sans détourner son regard des yeux de son mari. — Je ne sais ce qui l’avait amené.

— Et vous me dites cela, à moi ?

— Voulez-vous que je vous mente ? Ne vous l’ai-je pas dit, quand vous m’avez d’abord demandé de vous épouser ? Ne vous l’ai-je pas redit huit jours à peine avant notre mariage ? Pensiez-vous que quelques semaines feraient une grande différence ? Avez-vous pu penser que des mois comme ceux qui viennent de s’écouler effaceraient sa mémoire ?

— Et vous vous proposez de le recevoir comme votre amant ?

— Je me propose de ne le recevoir ni comme cela, ni autrement. Je compte qu’il ne viendra jamais dans aucune maison où je serai condamnée à vivre. Vous l’avez amené ici, et moi, tout en sachant que l’épreuve serait rude, j’ai cru que je pourrais la supporter. Je m’aperçois que cela m’est impossible. Ma mémoire est trop fidèle ; les souvenirs du passé sont trop nets ; mes remords…

— Allez toujours, madame ; continuez, je vous prie.