Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/254

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour vous défendre et un cœur loyal pour vous aimer, ne suffisent pas pour vous rendre heureuses, vous n’êtes pas telles que je voudrais vous voir.

Caroline ne mangeait pas du pain sec, il s’en fallait de beaucoup, mais son pain était pétri avec du fiel et trempé d’amertume, et elle ne pouvait s’en nourrir. Et maintenant il était venu lui dire qu’il partait, celui dont elle avait dû partager le sort, celui dont le cœur et le bras devaient être à elle. Que dirait le monde, si elle partait avec lui ?

— Adieu, dit-elle en prenant la main qu’il lui offrait.

— Est-ce là tout ?

— Que voudriez-vous de plus ?

— Ce que je voudrais ? Hélas ! je voudrais ce qui ne peut jamais — jamais — jamais, être à moi.

— Non, jamais, — jamais, répéta-t-elle. Et, tout en parlant ainsi, elle se demanda encore : Que dirait le monde si elle partait avec lui ?

— Je pense que maintenant, vous voyant pour la dernière fois, je puis parler franchement, — comme il convient à un homme. Lady Harcourt, je n’ai jamais cessé de vous aimer, — jamais pendant un seul instant, — jamais depuis le jour où nous nous sommes promenés ensemble là-bas à Jérusalem, parmi ces tombeaux étranges. Mon amour pour vous a été le rêve de ma vie.

— Mais alors, pourquoi… pourquoi… pourquoi… Elle ne put en dire davantage, car les larmes étouffaient sa voix.