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— Lady Harcourt, je mettrai entre vous et moi la distance que vous exigerez. Mais ne m’est-il pas permis de venir vous dire que je pars ?

— Que vous partez ?

— Oui. Je ne vous importunerai pas longtemps. J’ai acquis une certitude : c’est que rester auprès de vous sans vous aimer, et vous aimer sans vous le dire, sont choses impossibles. C’est pour cela que je pars. Et il lui tendit la main, que jusqu’à ce moment elle n’avait point acceptée.

Il allait partir ! mais elle, elle resterait ! Il s’échappait, mais les barreaux de la prison où elle était renfermée demeuraient intacts ! Ah ! si elle eût pu partir avec lui ! Comme elle aurait peu tenu compte aujourd’hui de la richesse, ou de ses espérances mondaines, ou de ses rêves d’ambition ! Que n’aurait-elle donné pour pouvoir partir avec lui et aller n’importe où, — partir honnêtement et ouvertement avec lui, — se confiant tout entière à son loyal amour et à son cœur fidèle ! Que de bonheur encore dans ce monde mortel, moribond, si seulement on savait ouvrir les bras pour le saisir !

Ah ! jeunes filles ! charmantes jeunes filles ! douces mères futures de notre future Angleterre ! Ne pensez pas trop aux revenus de vos amoureux. L’homme loyal et fidèle n’aura pas à mendier son pain, — ni son pain ni le vôtre. Les vaillants et les honnêtes ne manquent guère de pain, bien qu’il leur arrive parfois de le manger un peu sec en commençant. Mais qu’importe ? Si du pain, fût-il un peu sec, un bon bras