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mes des crédits illimités. Mais, malgré tout, il y avait là de certains risques. C’est un plaisir coûteux que de donner d’élégants petits dîners, deux ou trois fois par semaine, à Londres ; aussi sir Henry commençait-il à s’inquiéter beaucoup des intentions du vieux Bertram.

Mais comment s’y prendre pour s’assurer de ces sacs si bien remplis d’écus ? Quelle ruse de chasseur fallait-il employer pour les prendre dans ses filets ? Peut-être eût-il mieux valu ne pas du tout tendre de filets et n’user d’aucune ruse. Mais il est si difficile de ne rien faire quand on se dit qu’il y aurait tant à gagner, si l’on réussissait à deviner et à faire tout juste la chose qu’il faudrait !

Sir Henry, comptant sur les faiblesses habituelles aux vieillards, se dit que sa femme serait son meilleur instrument de séduction. S’il pouvait la décider à se montrer prévenante et affectueuse pour son grand-père, si elle consentait à l’aller voir, à le flatter et à l’entourer de soins, ce serait un grand point de gagné. C’était là l’avis de sir Henry ; mais il avait beau faire, sa femme ne voulait pas le seconder. Dans le marché qu’avait conclu lady Harcourt, il n’avait point été stipulé qu’elle flagornerait un vieillard qui ne lui avait jamais témoigné d’affection particulière.

— Il me semble que vous devriez bien aller à Hadley, lui dit un matin son mari.

— Comment ! pour y rester ? dit Caroline.

— Mon Dieu, oui… pour une quinzaine de jours au moins. Dans trois semaines le parlement sera clos, et j’irai alors en Écosse pour quelques jours : ne pour-