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jeté sa perle à la mer, — une perle sans prix. Il ne lui restait plus qu’à en supporter la perle du mieux qu’il le pourrait.

Il y avait entre sir Henry Harcourt et sa femme bien d’autres sujets de dissentiment que le goût de celle-ci pour la danse. Sir Henry avait payé le premier semestre d’intérêts sur la somme que lui avait prêtée le vieillard de Hadley, et il avait été très-choqué de voir que la chose avait été acceptée comme toute naturelle. Il se trouvait, pour le moment, assez à court d’argent. Ses occupations politiques avaient nui, jusqu’à un certain point, à ses succès professionnels. On le connaissait plutôt comme l’avocat d’un parti que comme plaideur ou jurisconsulte pratique, de sorte que sa carrière, toute brillante qu’elle avait été, se trouvait être moins lucrative qu’il ne l’avait espéré. La plupart des avocats ne se consacrent à la politique que lorsqu’ils sont parvenus à acquérir, sinon la richesse, du moins les moyens de s’enrichir. Si l’ambition de sir Henry eût été modérée, il aurait pu se considérer comme satisfait à cet égard ; mais, il faut le dire, son ambition n’était rien moins que modérée. Il voulait briller, et vivre de façon à confirmer la réputation d’opulence qu’on lui avait faite ; surtout il tenait à ce que tout le monde le crût l’héritier du vieux millionnaire de Hadley.

Cette façon d’agir ne laissait pas que d’avoir un certain côté d’habileté hardie et aventureuse. La fortune favorise les audacieux, et il est certain que le monde a surtout confiance en ceux qui s’accordent à eux-mê-