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roles, et de la colère dans les accents contenus qui parvinrent si distinctement à l’oreille de George, bien que nulle autre ne pût les entendre.

— Et à qui la faute ? Pourquoi m’est-il défendu de songer au passé ? Pourquoi toute pensée, toute mémoire, me sont-elles interdites ? Qui donc a brisé la coupe au bord même de la source ?

— Est-ce moi ?

— Avez-vous jamais songé à cette prière : « Pardonnez-nous nos offenses ?… » Mais vous, dans votre orgueil, — vous n’avez rien su pardonner. Et voilà que vous venez railler ma prospérité…

— Lady Harcourt !

— Je veux retourner à ma place, maintenant, s’il vous plaît… Je ne sais pourquoi j’ai parlé ainsi. Sans ajouter un mot de plus, elle se fit reconduire par Bertram jusqu’à un siège situé entre deux vieilles douairières, et, pendant tout le reste de la soirée, il lui fut impossible de lui adresser la parole.

Bertram quitta immédiatement le bal, mais Caroline resta encore une heure. Elle resta pour danser avec le jeune lord Echo, qui était un petit pair whig, et avec M. Twislelon, dont le père était secrétaire de la trésorerie. L’un et l’autre lui parlèrent de Harcourt et du grand discours qu’il prononçait dans le moment même à la Chambre ; et elle sourit et leur parut si belle, que, vers la fin du bal, quand ces deux messieurs se trouvèrent ensemble au buffet, ils furent d’accord pour déclarer que Harcourt était le plus heureux coquin du monde de posséder à lui tout seul un pareil trésor.