Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fois, sir Henry, d’une façon ou d’une autre, témoignait une certaine satisfaction.

— Il épousera Adela Gauntlet, vous verrez cela, dit-il à sa femme après un de leurs dîners. Elle est extrêmement jolie, et ce sera un gentil ménage ; je voudrais seulement que l’un des deux eût un peu plus d’argent.

Caroline ne répondit rien, — elle ne répondait jamais à son mari — mais elle se sentait bien assurée au fond du cœur que George n’épouserait pas Adela Gauntlet. Si elle eût parlé franchement, aurait-elle pu dire qu’elle le désirait ?

Adela voyait et ne pouvait s’empêcher de désapprouver ; elle voyait beaucoup de choses, et elle désapprouvait presque tout. Elle s’aperçut qu’il n’existait que fort peu de sympathie entre le mari et la femme, et que le peu qu’il y avait décroissait chaque jour. Caroline ne parlait que fort rarement de son sort, mais les quelques paroles qui lui échappaient de temps à autre étaient empreintes de dédain pour tout ce qui l’entourait, ainsi que pour celui de qui tout cela lui venait. Elle semblait dire : « Voyez, voici toutes ces choses pour lesquelles j’ai tant combattu et tant sacrifié — ces cendres sur lesquelles je marche, je dors, et dont je me nourris, — voyez, elles ne me sont qu’amertume à la bouche, et souillure au toucher. Voyez ! voici ma récompense ! N’est-il pas honorable de l’avoir gagnée ? »

Adela vit aussi que sir Henry Harcourt savait déjà prendre, à l’occasion, l’air sombre d’un mari irrité ; et que plus d’une fois, sans cause suffisante, des paroles aigres lui venaient aux lèvres — paroles dites sans mo-