Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déplaisant. Mais cela ne venait pas, — du moins George le croyait, — de ce que Harcourt était l’auteur de la blessure dont son cœur saignait.

Il se répétait sans cesse qu’il ne blâmait pas Harcourt. La faute en était à Caroline, — à Caroline et à lui-même. Cela ne tentait pas non plus aux grands succès de Harcourt : Bertram ne lui portait certes pas envie. Mais, à mesure qu’il avançait en âge, Harcourt devenait mondain, faux, laborieux, compassé, élégant, riche, et gracieux pour les indifférents ; Bertram était tout le contraire. Il était généreux et loyal, mais paresseux, — paresseux du moins pour le bien.

C’était un penseur, mais ses pensées étaient dans les nuages ; le monde lui était indifférent ; il était pauvre, bien plus pauvre qu’il ne l’avait jamais été à l’Université, et il ne possédait, à aucun degré, le talent de se rendre agréable au public en général. Depuis quelque temps, les deux anciens amis ne se rencontraient jamais sans que Harcourt froissât Bertram dans ses sentiments les plus intimes, et de là la répulsion de celui-ci.

Mais la répulsion ne semblait pas réciproque. Le nom de Harcourt était dans toutes les bouches. On s’attendait à de grands changements dans le monde politique, et Harcourt était de ceux que le public se sentait assuré de voir surnager après la tempête ; ses commettants de Battersea en étaient fiers ; la Chambre l’écoutait ; les écrivains, les hommes qui étaient au pouvoir, comme ceux qui espéraient y arriver, tout le monde l’entourait et le flattait. Toute cette prospérité en