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jamais discuté la probabilité d’un pareil événement. Il est certain qu’elle l’aurait accepté quinze jours plus tôt ; mais maintenant que devait-elle faire ?

Ce n’était pas seulement que sir Lionel avait offert son cœur et sa main à une autre il y avait quinze jours à peine ; il y avait encore ce fait bien plus grave : que tout Littlebath le savait. Mademoiselle Todd, après la première explosion de sa colère comique, n’en avait plus guère parlé, mais la langue de mademoiselle Pénélope Gauntlet n’était pas resté oisive. Il est vrai que celle-ci n’avait raconté la chose qu’aux personnes pieuses de Littlebath, mais, si pieux qu’on soit, il faut bien entretenir quelques relations avec les mondains, de sorte qu’il se trouvait, en fin de compte, que toutes les dames de Littlebath savaient à quoi s’en tenir sur cette histoire de sir Lionel. Puis, il y avait d’autres difficultés. Cette conversation tenue à voix basse avec mademoiselle Todd ne lui sortait pas de l’esprit. Elle ne savait pas au juste jusqu’à quel point elle pouvait considérer, comme sa mission spéciale, la tâche de ramener dans le droit chemin un homme comme sir Lionel — ce nouveau sir Lionel que mademoiselle Todd lui avait révélé. Enfin, il avait besoin d’argent… Mais elle aussi, elle manquait d’argent !

Mais n’y avait-il pas quelque chose à dire de l’autre côté ? Il est certain que l’idée de s’appeler lady Bertram pour le reste de ses jours souriait à cette bonne mademoiselle Baker. Il lui serait doux d’entrer dorénavant dans tous les salons en la qualité de femme mariée, et de se laver ainsi du reproche que l’injus-