Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blent presque miraculeuses. Pourtant elle ne dit rien. Elle se contenta de penser que sir Lionel se trompait singulièrement en faisant cette remarque sur la similitude de leurs genres de vie.

— Je ne suis pas un jeune homme, poursuivit sir Lionel. Mon frère, vous le savez, est très-vieux, et il n’y a entre nous que quinze ans de différence (en ceci, sir Lionel se trompait : il n’y avait en réalité qu’une différence de dix années). — Vous, au contraire, vous avez à peine dépassé la jeunesse.

— J’ai eu quarante-cinq ans au mois de novembre, dit mademoiselle Todd.

— Alors il y quinze ans de distance entre nous (le lecteur voudra bien mettre le mot vingt à la place de quinze). Pourrez-vous passer là-dessus et m’accepter, tout vieux que je suis, pour le compagnon de votre vie ? Quant à la fortune…

— Mon Dieu ! sir Lionel, ne vous embarrassez pas de cela ni de votre âge non plus. Si je voulais me marier, je prendrais aussi volontiers un vieillard qu’un jeune homme, peut-être même plus volontiers ; et, pour ce qui est de l’argent, j’en ai assez pour moi, et je pense que vous êtes dans le même cas. Pourtant mademoiselle Todd avait entendu parler d’un certain gros compte chez le loueur de voitures, et elle n’ignorait pas que le groom si élégant qui ne quittait jamais d’un instant le phaéton de sir Lionel était un garde du commerce travesti, chargé de ramener tous les jours l’équipage chez le fournisseur. — Le fait est, ajouta-t-elle, que je ne veux pas me marier.