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sortie en voiture depuis trois minutes, et ce jour tout entier se trouva en conséquence perdu.

Le lendemain, mardi, était le jour où il faisait d’ordinaire sa visite à mademoiselle Baker. Mais, pour cette fois, mademoiselle Baker fut négligée. À la même heure que la veille il sonna de nouveau à la porte de mademoiselle Todd. Il fut admis, et cette fois il la trouva seule. C’était chose fort rare, et il fallait profiter sans retard d’instants si précieux. Sir Lionel, avec le tact militaire qui le distinguait à un si haut degré, se dit tout de suite qu’il tirerait parti de sa défaite de la veille pour assurer la victoire du jour. Il saurait mettre à profit madame Shortpointz elle-même.

Quand des hommes, qui ont dépassé la soixantaine, font la cour à des femmes qui ont atteint la quarantaine, il est naturel qu’ils se pressent un peu plus que des amoureux plus jeunes. Le temps est derrière eux, au lieu qu’il est devant les autres ; il les pousse et les force à se décider promptement. D’ailleurs, sir Lionel et mademoiselle Todd étaient gens l’un et l’autre à savoir fort nettement ce qu’ils voulaient.

— Vous avez été bien cruelle pour moi hier, dit sir Lionel en choisissant un siège qui n’était ni trop rapproché ni trop éloigné de celui de mademoiselle Todd.

— Moi ! ah ! oui, à propos de cette pauvre madame Shortpointz ? Ha ! ha ! ha ! pauvre vieille ! Elle n’a pas été de cet avis-là, je crois. Il faut se rendre utile quelquefois, vous savez, sir Lionel.

— Sans doute, mademoiselle, sans doute. Mais hier,